Avec la facilité d’accès donnée par les réseaux sociaux aux multiples profils des personnes, donc des candidats, se pose à nouveau la question de l’éthique du recruteur.
Moi qui ai accès à de nombreuses données concernant le candidat, que dois-je en faire ?
Ces éléments portés à ma connaissance doivent-ils influencer mon choix final de recruteur ? Est-il possible de s’extraire de ce magma multiforme d’éléments dessinant les contours d’un personnage ? Puis-je faire semblant de ne pas les avoir vus, lus ?
Bien au-delà de la polémique – mais est-elle réelle ou juste vecteur d’une posture « morale » facile à revêtir – de savoir si le recruteur doit avoir accès, ou pas, aux réseaux sociaux qualifiés rapidement de non professionnels (Facebook en premier lieu, mais ceux qui vont suivre également), la vraie question n’est-elle pas une éducation à son utilisation ?
Quelle différence finalement y a-t-il entre les « centres d’intérêt », « hobbies » ou autres intitulés réservés à la dernière rubrique du CV dit traditionnel et les informations transmises par le net ?
Le temps n’est pas si éloigné où le recruteur n’avait accès à ces informations, peut-être plus personnelles, qu’à travers son CV. Que signifiait alors pour lui un candidat qui mentionnait « piscine, cinéma et lecture » ? Cela faisait-il de lui quelqu’un de solitaire, mais d’endurant, qualité ou défaut supposé de l’amoureux de la natation ? La lecture lui donnait-elle une coloration plus « intellectuelle » que celui qui ne mentionnait pas cette activité ? Et que dire alors de celui qui pratique le piano depuis sa tendre enfance ? Enfant brimé, enfant favorisé ou amoureux d’une musique – classique – réservée selon certains aux seuls adultes.
Non, l’accès à ces données à travers les réseaux sociaux ne change pas la question. Peut-être en avons-nous plus, certainement plus illustrées à travers des photos ou des films. Mais cela doit-il faire évoluer notre comportement vis-à-vis de ces pratiques ? Évidemment que non.
Quelle importance dois-je donner à ces éléments communiqués par le candidat ?
La question pour le recruteur est toujours la même : quelle importance dois-je donner à ces éléments communiqués par le candidat dans le cadre de mon besoin de recrutement ? Est-ce que ces « activités » contribuent-elles à la qualité professionnelle de mon candidat ou, au contraire, n’apportent-elles rien à celle-ci ?
Mentionnés sur papier à travers le CV ou en digitale à travers les réseaux sociaux, les « centres d’intérêt » doivent rester à leur juste mesure pour le RH professionnel du recrutement.
Le défi pour les responsables des RH
Le vrai défi maintenant pour les responsables des Ressources humaines que nous sommes est de sensibiliser, encore et encore, tous les autres salariés de l’entreprise – moins habitués au recrutement que les RH – à l’utilisation de ces informations. C’est, en effet, la première fois qu’ils ont accès, aussi massivement, à des données sur le candidat et aussi facilement, hors CV. Ils ont (presque) tous un compte Facebook, savent tous saisir un nom sur Google… qu’ils soient PDG, DG, dans le marketing, la communication ou le commercial, cadres ou employés…
C’est un beau défi à relever pour les RH du XXIe siècle. Ils en ont les compétences, à eux d’en avoir la volonté.
Article publié sur le site des Echos.